Le financement de la recherche en santé n’est pas destiné aux scientifiques, mais aux patients

Posted: 11-29-2017

Leçons tirées d’un incident grave

Le financement de la recherche en santé n’est pas destiné aux scientifiques, mais aux patients

Par Yves Sovoie (publication en le Hill Times, 29 novembre 2017)

Il y a quatre ans, Donna Sharman a tiré un enseignement essentiel d’un incident grave, à Calgary. Elle s’est effondrée sur le plancher de sa cuisine, et ce qui a suivi lui a fait comprendre plus tard que la recherche en santé sauve des vies, y compris la sienne.

Alors âgée de 59 ans, elle est tombée sans avertissement lorsqu’un caillot sanguin s’est logé dans son cerveau, causant un AVC. Il s’agissait de la partie malchanceuse de sa journée. Sa chance a tourné lorsqu’elle a été rapidement transportée au Foothills Medical Centre.

Des spécialistes y menaient des travaux de recherche importants sur une façon novatrice de traiter les gens qui subissent un AVC grave, comme Donna. Un test par imagerie médicale a révélé qu’elle était une candidate idéale pour cette nouvelle intervention. L’équipe de prise en charge de l’AVC a agi rapidement : un cathéter spécial a été inséré dans un vaisseau sanguin de l’aine de la patiente, menant de ses vaisseaux sanguins directement au caillot, dans son cerveau. Les spécialistes ont promptement été capables de le saisir et de le retirer. Cette intervention a rétabli la circulation sanguine cruciale dans le reste de son cerveau et a redonné la vie à Donna, sans séquelles.

Les résultats de ce projet de recherche international, mené par le Hotchkiss Brain Institute de l’Université de Calgary, ont été publiés dansThe New England Journal of Medicineen 2015. La réussite de cette nouvelle intervention est en train de changer le traitement de l’AVC dans le monde entier. Plutôt que d’administrer des médicaments pour dissoudre les caillots sanguins, il est possible de retirer ces derniers.

« Je ne serais pas ici si ces travaux n’avaient pas été en cours lorsque j’ai subi mon AVC, affirme aujourd’hui Donna Sharman. La recherche m’a sauvé la vie, ou du moins, m’a sauvée d’une vie avec une lourde incapacité. Elle sauve aujourd’hui la vie de milliers d’autres personnes. »

Les organismes de bienfaisance en santé du pays investissent des centaines de millions dans la recherche chaque année. Ces montants incluent les investissements dans l’étude qui a sauvé Donna Sharman. Nos investissements aident à transformer les découvertes de pointe en traitements qui changent des vies, mais nous ne pouvons pas le faire seuls. Nous avons besoin de chercheurs qui sauront repousser la limite des connaissances afin de découvrir de nouvelles possibilités d’aider à sauver et à améliorer la vie des gens. Par exemple, le retrait d’un caillot sanguin d’un cerveau est une réussite spectaculaire qui s’appuie sur des travaux antérieurs de recherche fondamentale, comme les études sur les changements moléculaires associés à l’AVC aigu. Le cheminement entre la recherche fondamentale et le retrait d’un caillot sanguin n’est pas nécessairement évident ou rapide, mais il existe bel et bien, et il est important.

On doit se souvenir de cet impact tangible de la science et la recherche fondamentales sur les besoins des patients lorsque nous examinons l’état de cette science et de cette recherche au pays. Nous accusons un retard, et ce sont les patients qui en souffriront si nous n’agissons pas. Heureusement, nous savons assez précisément ce qui doit être fait.

Plus tôt cette année, un comité dirigé par le Dr David Naylor, ancien recteur de l’Université de Toronto, a publié son rapport final sur le rôle du gouvernement fédéral dans le soutien de la science fondamentale au pays. Ce rapport, intituléInvestir dans l’avenir du Canada : Consolider les bases de la recherche au pays, présente une stratégie pluriannuelle qui accorde une attention particulière aux projets de recherche indépendants menés par des chercheurs, à une meilleure coordination entre les quatre organismes majeurs de financement de la recherche et à la création d’un organisme de supervision.

Ce comité a également demandé des réinvestissements « majeurs » qui signifieraient une hausse d’une moyenne de 9 pour cent sur quatre ans des dépenses annuelles du gouvernement fédéral liées aux activités de recherche, qui passeraient d’approximativement 3,5 à 4,8 milliards de dollars. Selon le rapport, cette augmentation représenterait 0,4 pour cent du budget annuel du gouvernement fédéral. L’investissement financier est la recommandation la plus importante de ce rapport.

L’honorable Kirsty Duncan, ministre des Sciences, a exposé sa vision afin de renforcer la science au Canada, lors de la Conférence sur les politiques scientifiques canadiennes du 2 novembre 2017, un événement qui jette les bases pour un secteur de la recherche durable. Cette annonce n’a pas fourni de précisions sur les niveaux de financement de la recherche, une recommandation clé du rapport du Dr Naylor. Afin de concrétiser ce plan pluriannuel, le Canada a besoin de financement durable à long terme.

La ministre Duncan a mis la communauté de la recherche au défi de raconter comment la science nous enseigne à voir un monde nouveau. L’histoire remarquable de Donna n’est qu’une partie de cette histoire. Si nous voulons renforcer notre écosystème d’innovations et agir vigoureusement pour réaliser les avancées importantes qui sauveront des vies et offriront une meilleure qualité de vie à des patients comme Donna, il est essentiel que nous redonnions le financement indispensable à la recherche en santé au pays.

Comme le gouvernement fédéral est actuellement en train d’étudier les investissements qu’il pourrait indiquer au budget du printemps 2018, il doit absolument garder à l’esprit et mettre en œuvre ces importantes recommandations afin de redonner un élan à la recherche scientifique et fondamentale en santé au pays. Importants en soi, ces investissements gouvernementaux ont l’avantage supplémentaire d’encourager tout l’écosystème de recherche du Canada, qui reçoit aussi le soutien d’entreprises privées, d’universités et d’organismes de bienfaisance en santé du pays.

Comme dans tout écosystème, les fondations pour la recherche scientifique doivent être solides pour que le système donne de bons résultats, surtout pour le bien-être des patients comme Donna Sharman. En prenant des mesures cadrant avec les recommandations du rapport du Dr Naylor, le gouvernement fédéral non seulement renforcera la recherche, mais aussi protégera la vie des citoyens.

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Yves Savoie est le chef national de la direction de Cœur + AVC, membre de la Coalition canadienne des organismes de bienfaisance en santé. Toujours en bonne santé, Donna Sharman tire parti de ce qui lui est arrivé en se consacrant aux programmes pour les patients, destinés à améliorer le système de santé.